Un grain de sable peut tout changer [Ylliendril] [P]

Ylliendril se fit surprendre. Alors qu'il avait lancé sans grande violence les hostilités, Mei avait bondit en avant et simulé un coup qui lui aurait sans doute ouvert largement le torse si elle avait voulu le blesser vraiment. Faisant preuve d'une grande rapidité et agilité, elle sauta ensuite en arrière pour se mettre hors de portée. Cependant elle n'était pas habituée au sable et glissa, manquant de chuter en arrière. Profitant de la faille, l'homme du désert plongea en avant, la touchant du bout des doigts au niveau du ventre, simulant à son tour un coup. S'il l'avait voulu, il aurait pu la projeter avec violence mais se contrôlant malgré l'adrénaline qui montait, il l'effleura seulement.

Se remettant en garde, il la gratifia d'un sourire avant de souffler de sa voix habituelle.

« Doucement voyons, vous allez tomber. »

Il lui tira la langue, la taquinant en réalité. Il sentait ses muscles se dérouiller, ses épaules s'assouplir. L'exercice lui manquait vraiment. Certes, il entretenait régulièrement son corps mais ça n'avait rien à voir avec des passes d'armes réels où une lame, même si elle ne touchera pas, s'approche de soi. Il fit rouler ses muscles, se redressant finalement de toute sa hauteur, surplombant de loin la jeune femme. Exécutant un nouvel estoc, il visa les flancs de la jeune femme. Cette fois aussi, elle risquait d'être obligée d'esquiver, incapable surement de de parer un tel coup. Il s'attendait cependant à ce qu'elle refasse une manœuvre rapide et garda sa main gauche en retrait, prêt à l'atteindre pour la repousser.

Le sol lui donnait l'impression de se dérober sous ses pieds. Elle ne s'était jamais entrainée que sur des planchers ou terrains solides. La mobilité de l'élément serait donc un nouveau désavantage pour elle. Il était grand, costaud, avait une arme capable de couper deux personnes à la fois, mais elle s'en sortirait bien. Quand on est petit et vulnérable, on utilise un peu plus sa tête... Même si dans le cas de Mei, cela prenait parfois un peu de temps. Ce n'était donc dans le fond pas une mauvaise idée de s'entrainer dans des conditions plus réalistes. Ne serait-ce que pour se défendre, elle n'avait pas vraiment un niveau satisfaisant. Elle pourrait en réalité se faire manger toute crue par n'importe quelle bête sauvage ou cannibale du coin.

Dans un véritable combat, il l'aurait littéralement allongée sur le sol en lui donnant un coup dans le ventre. Il devait sans aucun doute avoir une force en harmonie avec sa carrure. Et elle ferait mieux de se méfier si le désert regorgeait de colosses dans son genre. Ce qui était sûr c'est que dans un vrai combat, elle aurait eu beaucoup de mal à se relever. Pour ne pas dire qu'il aurait pu l'achever de suite sans avoir peur d'une mauvaise réaction de sa part. Oui, elle était réellement faible physiquement, elle s'en rendait compte. Mais elle avait d'autres qualités qui pouvaient lui servir et il faudrait pour l'instant compter dessus en attendant d'apprendre d'autres choses plus utiles.

Reprenant un solide appui sur es pieds, elle se surprit à lui tirer la langue tout naturellement comme si elle s'était battue avec l'un des fils des paysans qui vivaient près de chez elle. Ils avaient grandi ensemble et c'étaient avec eux qu'elle avait réellement commencé à apprendre à se servir de ses poings et de ses pieds. Et c'était d'ailleurs ce qu'elle allait utiliser pour l'instant. Puisqu'il la taquinait, elle allait gentiment se venger...et tester une nouvelle fois qui elle avait en face.

Puisqu'il attaquait à nouveau et ne lui demandait pas de faire un effort d'imagination pour trouver une manière de lui foncer dessus qui ne soit pas trop ridicule ni vaine, elle allait donc pouvoir improviser. Et cette fois, pas de lame ! Autant résoudre le problème à la racine. Même si elle allait sans doute le sentir passer dans ses muscles encore à froid, elle se plia en arrière pour éviter l'estoc de son adversaire et dut poser une main à terre pour exécuter un tour quasi complet sur elle-même qui lui permettait en fait de pouvoir couvrir une plus grande distance. Sur un champ de bataille, elle serait déjà transpercée, elle le savait. Elle allongea à la suite sa jambe et lui fila un coup du plat du pied dans le creux des genoux. Il était trop grand, il fallait bien y remédier...Si bien entendu cela fonctionnait, et dans le cas contraire, elle était mal, très mal.

Il souriait en attaquant, amusé qu’elle lui ait elle aussi tiré la langue. Prêt cette fois si elle recommençait son assaut éclair, il analysait la jeune femme alors que sa lame s’approchait d’elle. Ses réflexes lui revenaient peu à peu et plus les secondes passaient, moins il ratait de détails. Cependant, cela ne suffit pas contre la jeune demoiselle au mieux de sa forme. Il sentit son genou fléchir alors que l’articulation était forcée de plier. Evitant de tomber à l’aide de sa main qu’il avait initialement mise de côté pour la repousser, il se retrouva presque à terre. Avisant la jeune femme au sol juste à côté de lui, il lâcha son arme qui était encore dans l’élan et vola à plusieurs mètres, attrapa la jambe de la demoiselle de sa main maintenant libre et la tira de toute ses forces.

Soulevant Mei comme une poupée, il se remit debout et après un bref tour dans le sens des aiguilles d’une montre, la lâcha, jetant ainsi la jeune femme dans les airs. Pas de cadeaux, le choc risquait de la sonner un peu même si elle saurait surement se rattraper à peu près. Une personne moins vêtu se serait brûler en frottant le sable à l’impact mais vu sa tenue, la jeune femme ne craignait pas grand-chose, à part peut-être d’en avoir un peu partout.

Bondissant vers son arme, il la reprit en main, avant de chercher à nouveau du regard son adversaire qu’il venait d’envoyer un loin. Retirant sa veste qu’il jeta derrière lui pour se mettre plus à l’aise, il dévoila son corps musclé et bronzé qui brillait légèrement avec l’humidité qui imprégnait le vêtement qu’il portait peu avant. Harmonieux et solide, son corps était parcouru de plusieurs cicatrices anciennes, de tailles diverses. Un sourire carnassier aux lèvres, il redevenait peu à peu le guerrier qui jadis, était le premier à donner l’assaut. Il fit à nouveau rouler ses épaules, détendant puis contractant ses muscles, son épée fouettant l’air.

« Ça fait longtemps que je m’étais pas amusé comme ça ! »

Alors qu’il parlait, ses membres se mirent en branle. Courant à grande vitesse vers la jeune femme, il chargeait, ses gestes étant étrangement fluides et souples pour son allure de géant.

Elle n'eut pas le temps de comprendre ce qu'il se passait. Elle avait presque réussi à le mettre au sol -ce qui l'avait déjà passablement surprise- mais à peine quelques secondes plus tard elle s'était retrouvée dans les airs, soulevée comme un sac de plumes dans les mains de ce géant. Il ne valait mieux pas résister, la chute n'en serait que plus rude. C'est lorsque l'on se crispe que les chocs sont les plus durs à encaisser. Au contraire, se laisser aller pouvait éviter certaines mauvaises surprises. Même si sa situation n'en demeurait pas moins mauvaise. Elle allait avoir mal, sans aucun doute. Mais le sable amortissait-il les chocs ?

Mei eut la réponse assez rapidement. Si l'on arrive de façon perpendiculaire au sol, sans aucun doute. En revanche, quand on est projeté à trente degré par rapport au sol, on se rappe royalement la peau. La jeune femme fit un léger rebond et arriva sur le dos, les dents crispées et sa lame bien loin d'elle. Heureusement qu'elle n'avait pas volé dans l'eau, sinon elle n'avait plus aucune arme pour la suite. Et pas que du combat, d'ailleurs. Si jamais elle repartait vivante de cette oasis, elle aurait besoin de quelque chose pour au moins se défendre ou montrer qu'elle n'était pas vulnérable.

Elle toussa une première fois, puis une deuxième avant d'avoir la confirmation qu'elle avait le souffle coupé au sens premier du terme. Et mer...flûte ! Elle allait devoir boire au moins une gorgée d'eau pour faire passer ce petit problème technique, si toutefois on lui laissait une pause de deux minutes. En tout cas, elle allait lui faire payer son geste. Et l'addition serait chère. Pour un entrainement, il était franchement odieux ! Quand elle se redressa, c'était pour le voir arme en main faire rouler ses muscles à présent dénudés et elle eut presque peur. Jamais elle ne pourrait affronter une pareille machine à tuer. A moins qu'il ne se montre un peu indulgent, mais elle en doutait amèrement.

Du sable dans tout le dos et le flanc droit, elle le regarda commencer à la charger. C'était donc comme ça ? A la déloyale ? Pour un entrainement, elle trouvait ça tristement agaçant. Ni classe ni fair-play, et bien elle allait en faire de même...A mains nues, ce serait déjà plus dur. Elle se planta donc et l'attendit. Elle allait se servir de la force qu'il 'employait pour essayer de l'envoyer au tapis, du mieux qu'elle pourrait. Si seulement il lâchait son arme, elle serait déjà sûre de ne pas se faire embrocher comme une vulgaire crevette. Son cœur battait la chamade mais elle ne sentait déjà plus aucune douleur. Elle avait juste envie de le mettre par terre, de lui montrer qu'il n'était pas le seul à pouvoir envoyer quelqu'un au tapis... Oui, elle pouvait bien essayer de le faire.

Pourtant partit rapidement, Ylliendril s'arrêta net à plusieurs mètres de la jeune femme en voyant qu'elle n'était plus armée. Levant bien haut son arme, il la planta dans le sable, se mettant ainsi à son niveau. Certes, il voulait l'entrainer à se battre dans des conditions réelles mais elle ne pourrait pas faire grand chose à main nue contre l'allonge de son épée et l'objectif n'était pas vraiment de l'amputer d'un bras. Souriant légèrement à la demoiselle qui se préparait à le recevoir, il se remit à courir vers elle, analysant sa posture. Il savait déjà qu'elle allait utiliser son élan pour le faire surement basculer ou tomber, c'était le plus logique puisque il serait lui même en pleine course et donc aurait peu de chance de se récupérer.

Amusé, il continua cependant à foncer. En combat, il fallait aussi savoir prendre des coups, ça rendait plus fort et c'est aussi à ça que servaient les entrainements. Avec sa stature, Mei devait être mobile face à lui et elle savait très bien qu'en force pure, elle n'aurait aucune chance. L'attraper pour l'immobiliser était le meilleur moyen pour l'homme du désert de l'atteindre, la projection d'avant le montrait bien, sauf qu'elle risquait de ne pas se laisser faire. Son seul moyen de réussir à l'atteindre était le moment où elle essayerait de le toucher avec un coup ou une prise, puisqu'il faudrait bien qu'elle prenne ses appuis.

Maintenant à quelques mètres à peine d'elle, Ylliendril se concentra à nouveau sur son adversaire, un air doux mais déterminé au visage.

Il avait lâché son épée. Victoire ! Elle n'allait pas mourir d'une hémorragie avant la fin de la journée. Du moins pas à cause de lui. Et pour quelqu'un de rouillé, elle le trouvait diablement à la hauteur des attentes que l'on peut avoir pour un guerrier. Quoique peut-être pas prêt à aller sur un champ de bataille, mais elle ne pouvait pas réellement en juger. De toute manière, il était bien plus fort qu'elle en tous points, elle n'avait rien à dire. On ne corrige pas un homme sur sa manière de se battre lorsque l'on est une femme, elle le savait parfaitement.

En tous les cas, il continuait à allègrement lui foncer dessus et ça l'arrangeait en grande partie parce qu'elle n'avait pas besoin de changer d'objectif. En revanche, elle ne savait toujours pas comment elle allait s'y prendre et lui-même devait déjà se douter qu'elle allait essayer de le mettre au sol le plus efficacement possible. Il fallait réagir vite, le surprendre. Et malheureusement, elle manquait d'imagination pour ce genre de choses. Le problème de répéter toujours des mouvements bien huilés, on ne finit par pas savoir improviser le moment venu.

Elle allait être à portée de ses mains. Mei n'attendit plus et se jeta sur lui, mais pas exactement de la manière qu'on aurait pu penser de prime abord. Elle avait visé le bas de ses jambes, en attrapant au moins une fermement. Prise par l'adrénaline, elle ne parvenait même plus à faire confiance à ses sensations. Continuant la roulade qu'elle avait prévue, son dos heurta les cuisses du guerrier, mais comme il était penché en avant, elle ne parvint qu'à le dévier sur le côte, leurs deux corps tombant lourdement sur le sable.

Étape suivante : l'immobiliser. Rien que d'avoir songé à ce mot lui donnait l'envie d'un fou rire. Elle n'y parviendrait pas, mais elle pourrait essayer. Sans perdre de temps, elle le fit basculer avec ce qu'elle pouvait appeler une démonstration de brusquerie qui se traduirait pour lui par pas grand chose de bien dangereux. Elle sentait qu'une de ses épaules avait tout de même souffert lors de l'opération précédente. Essayant de faire quelque chose de logique et de correct, elle parvint à poser un genou sur lui, une main lui main tenant la tête au cas où il se relèverait -elle n'en était plus au stade d'espérer qu'elle pourrait faire quelque chose contre lui- et avant qu'il ne bouge, elle n'avait qu'une seconde pour trouver quelque chose pour ses bras. Mais qu'elle abrutie !

Lorsqu’il avait commencé à charger, Ylliendril savait d’avance qu’il allait morde la poussière. Il ne comprit pas exactement les gestes de la jeune femme mais se sentit tomber sur le côté, son équilibre brisé. Se réceptionnant avec son épaule, il accusa le choc avec une pointe de satisfaction. Rapidement surplombé par Mei qui lui retenait la tête avec une main et le torse avec le poids de son corps, il fut amusé lorsqu’il lut dans ses yeux le constat de n’avoir qu’une main de libre pour bloquer les deux bras de son adversaire. Libérant sa tête en prenant le bras de la jeune femme, il força sur ses abdominaux pour la soulever tout entière avec lui. La pauvrette se retrouva sur les genoux du Lion qui était maintenant assis. Dans cette position, il aurait pu la saisir et en faire ce qu’il voulait mais il contenta de poser un petit baiser dans la chevelure de la jeune femme avant de la remettre debout en même temps que lui.

Il alla récupérer l’arme de son invitée, puis la sienne, avant de lancer :

« Tu m’as surpris à plusieurs reprises. Je suis sûr qu’en combat réel tu pourrais très bien te débrouiller. Pense juste qu’en bataille, tu n’auras pas le temps de gérer quelqu’un au sol. Il faut tuer et surtout rester debout, sinon c’est fichu, à moins d’être vraiment agile et entrainé à se battre au sol contre plusieurs adversaires armés. »

Il tendit son arme à Mei et retira d’un petit geste de main quelques grains de sable qu’elle avait sur la joue. Ylliendril la gratifia ensuite d’un sourire, continuant :

« Désolé je me suis un peu emporté mais il faut aussi savoir encaisser quand on est amené à se battre. Le diner devrait bientôt être prêt, tu m’accompagne dans l’eau? Ma dernière chute a généreusement ensablée mes cheveux. »

Riant un peu et lui faisant un petit clin d’œil, il s’approcha de l’eau, tendant la main pour l’encourager à l’y rejoindre.

S'il y avait bien une chose qu'elle n'avait pas apprise au cours des nombreuses initiations au combat qu'elle avait faites dans sa vie, c'était d'immobiliser ou de tuer quelqu'un au sol. En fait, comme on lui avait appris tout ça pour la discipline du corps et de l'esprit. Plus de l'esprit d'ailleurs et surtout en fait pour l'arracher à sa mère au moins quelques heures dans la journée. Au final, on se demandait bien pour quelle raison absurde on lui avait appris à tenir une épée et monter à cheval. Sans doute un regret refoulé de ne pas avoir eu un fils légitime et au lieu de cela se retrouver avec une fille hors mariage.

Elle cherchait toujours quoi faire quand elle sentit sa main se faire déloger et son adversaire se relever à la simple force de son torse. Comment aurait-elle pu immobiliser un tel être ? Il faisait au moins deux fois son poids, possédait trois à quatre fois sa force et dont elle aurait eu peine à faire le tour des poignets ou de la gorge. Mei s'était tenue prête à riposter, assise sur les genoux du colosse, même si elle se doutait que dans un combat réel, elle serait déjà morte dix fois et de façon très douloureuse. Et contre toute attente, il lui présenta une démonstration affective qu'elle ne pensait pas possible entre deux individus qui ne se connaissaient que depuis quelques heures. Mais peut-être que cela se faisait dans le désert ? Elle en doutait, aussi elle préféra ne pas relever. Mieux valait ne pas montrer que ça la perturbait, il risquait de recommencer à outrance pour l'embêter. A force de ne vivre qu'avec des hommes, elle avait fini par un peu mieux les connaitre.

Ne pouvant pas opposer de résistance, elle se laissa remettre sur ses pieds comme une enfant. Il avait décidément une force impressionnante, même si Mei ne pesait pas non plus bien lourd. Elle épousseta un peu ses vêtements et ses épaules pleins de sable, essayant de repérer où était tombée son arme. La voix déjà un peu plus forte d'Ylliendril la surprit. Il fondait en elle des espoirs sans aucun doute vains et disproportionnés. Dans un combat réel, elle s'en serait peut-être mieux sortie avec l'adrénaline, mais rien n'était moins sûr. Au contraire, elle aurait pu se retrouver tétanisée de peur. En revanche il avait raison, sur un champ de bataille elle serait inutile et tuée en deux minutes. Tuer de ses mains la rebutait, elle ne l'avait jamais fait. Même tuer un animal avait été une épreuve pour elle les premiers temps sur la route, alors tuer un homme...Mais peut-être que s'il était question de tuer ou être tué, alors là elle ferait quelque chose. Enfin, peut-être. Ou alors, elle apprendrait à mieux se battre, elle se perfectionnerait.

Mei récupéra son arme, lui adressant un sourire de remerciement et baissa les yeux sur sa lame qu'elle débarrassa du sable du bout du doigt. Elle releva le regard, surprise de sentir son geste. Il agissait un peu bizarrement, mais en même temps ça n'était pas désagréable. La jeune femme se demandait comment pouvait-on être si brute et si délicat dans la même heure, et dans le fond c'était une question tellement stupide qu'elle décida de l'abandonner. Et puis, il la tutoyait, maintenant. Et ça aussi, ça lui faisait bizarre. En tous les cas, son sourire faisait plaisir à voir et elle le lui rendit volontiers, toujours sans parler. Pour lui faire décrocher un mot, il fallait vraiment le vouloir.

Soulagée de voir que c'était fini, elle laissa ses lèvres s'amuser de son clin d’œil et le suivit des yeux. Il fallait avouer qu'elle était déjà passablement fatiguée par la route dans le désert et le reste. Ils reprendraient sans doute une autre fois. Elle le fixa encore un moment puis s'approcha finalement pour prendre sa main et faire quelques pas dans l'eau. Ses doigts serrés sur la grande main dont elle peinait à faire le tour, Mei se retourna vers lui, de l'eau déjà presque aux genoux et lui adressa un sourire sincère. Bonne idée ou non, ça n'était plus prendre un risque, cet homme était trop gentil pour qu'elle en ait peur et qu'elle ne lui fasse pas confiance.

Faisant disparaitre avec douceur la main de la jeune femme dans la sienne, il entra dans l’eau. Lorsqu’elle le gratifia d’un grand sourire, il sentit quelque chose le déranger dans sa poitrine et le rouge lui monta un peu aux joues. Souriant pourtant, il l’entraina dans l’eau plus profonde et quand elle commença à ne plus avoir pied, il l’enlaça doucement puis se tourna pour qu’elle puisse s’accrocher à son dos et continuer à s’immerger sans avoir à nager.

« Je vais te montrer quelque chose. »

Allant à des endroits où même lui n’avait pas pied, il regarda le soleil disparaitre à l’horizon, un sourire triste aux lèvres. Il gagna ensuite un nouvel ilot, entouré de plantes d’eau ressemblant curieusement à des nénuphars en fleur mais il y en avait pleins d’autres de formes et de couleurs différentes. Le spectacle en lui-même était déjà beau à voir et Ylliendril aida la jeune femme à grimper sur le rocher taillé qui sortait de l’eau et qui semblait être tombé en plein milieu de cet endroit ensablé par hasard. Il expliqua :

« L’oasis se trouve sur de vielles ruines. Tu es actuellement assise sur le toit de l’une des tours. »

La gratifiant d’un sourire, il continua :

« Ces fleurs sont magnifiques n’est-ce pas ? Le soleil devrait disparait complètement dans quelques minutes, tu vas voir. »

Grimpant sur la petite île taillée à la force des bras, il s’installa à côté de Mei, l’enlaçant d’un bras et posant un doigt sur sa propre bouche pour lui faire signe qu’il ne fallait pas faire de bruit. Ils restèrent ainsi quelques minutes et tout sembla s’assombrir d’un coup quand le soleil disparu pour de bon. On voyait pourtant encore très bien grâce à l’astre nocturne qui, étant peu visible tant que son compère était là, pouvait à présent illuminer le désert de toute sa plénitude.

Sans signe annonciateur, les fleurs s’ouvrirent lentement et ce fut toute une vie qui s’agita soudain. Sortant de leur cachette maintenant que le soleil n’était plus, un millier de petits insectes lumineux s’échappa en nuage de la verdure à quelques mètres des deux humains pour envahir l’oasis et entamer leur petite vie nocturne.

Brisant le silence, le Lion d’An’har murmura :

« J’adore venir ici pour voir éclore les fleurs de lumière… Promet moi... Si jamais tu devais être en danger un jour, fuis à moins d’être sûr de gagner, je ne voudrais pas qu'il t'arrive quelque chose. »

Serrant un peu plus Mei contre lui, il regardait les petites lanternes vivant s’éparpiller aux quatre coin du point d’eau, son regard devenant soudain mélancolique.